mardi 25 octobre 2011

La science des rêves, ou le pince-mains



… conforme assurément à la sommaire botanique des songes…


Les rêves font de leur mieux pour nous dispenser leur science, avec des résultats aléatoires. Un matin de l'hiver dernier (j'étais alors, depuis des semaines, en pleine immersion dans l'univers de Georges R. R. Martin et de son Trône de Fer) m'a arraché au sommeil sans parvenir à m'arracher sur l'instant la conviction que Verdi avait écrit un opéra intitulé Roberto Baratheon; et j'ai passé mes premières minutes d'éveil à essayer de me remémorer les fracassantes premières mesures de sa fameuse ouverture, qu'il me semblait avoir encore dans l'oreille.

Ce matin, il me restait, du rêve tortueux que je venais de faire, ce souvenir: que nos cousins d'outre-Atlantique donnaient familièrement le nom de "pince-mains" à l'humble accessoire ménager qu'ils ont élevé au rang d'instrument de musique indispensable à tout fais-dodo qui se respecte: la planche à laver.
Une fois rafraîchi et habillé, même d'Internet aux cent yeux je n'ai pu obtenir de liste exhaustive des différents noms vernaculaires qu'ont pu inventer, pour cet accessoire, tant les prolixes québécois que les inventifs cajuns; en tous cas, dans aucun dictionnaire n'apparaissait ce mot-ci assorti de cette définition-là.

Je continuerai donc d'ignorer si on a jamais gratté de pince-mains dans les rues du Montréal ou de la Nouvelle-Orléans du monde de l'éveil, ou si ce sont les francophones de l'Amérique rêvée qui s'en réservent l'usage exclusif.

A moins qu'une nuit, ou un jour, un résident de l'un ou l'autre de ces territoires ne vienne à passer par ici, et ne prenne le temps de m'en instruire.

Sur l'opéra de Giuseppe Verdi, Roberto Baratheon oppure Il Re dei Sette Regni, je n'ai pu davantage trouver aucune entrée dans wikipedia; au travail, les wikinautes!


vendredi 7 octobre 2011

Les mots ne lui manquaient pas pour décrire son mal (Primo Levi: Poeti)



Le jeune poète hésita un bon moment avant de sonner. Cette visite était-elle bien indispensable? Lesquels avaient raison: ses amis de Milan et de Rome qui lui avaient vanté les dons quasi miraculeux du médecin? Ou au contraire son père et sa mère, qui avaient cherché à le retenir sans lui cacher leur mépris et leur honte, comme si un entretien avec un homme sage et expérimenté était une tache sur leur blason? Mais il souffrait trop depuis quelques années: il n'avait plus le courage de continuer ainsi.
Le médecin vint lui ouvrir lui- même: il était en pantoufles, décoiffé, enveloppé dans une vieille robe de chambre élimée. Il le fit asseoir devant son bureau; non, ce n'était pas nécessaire qu'il s'étende sur le divan; pas pour le moment.
Le médecin l'intimidait mais il lui fit d'emblée bonne impression; il ne prenait pas des airs importants, n'utilisait pas de mots compliqués, il avait du tact et de bonnes manières. Sans doute son apparence négligée était-elle délibérée, afin que les patients ne se sentent pas mal à l'aise. Le poète éprouva de l'embarras (mais le médecin semblait embarrassé lui aussi) lorsque l'autre l'interrogea prudemment sur son passé médical: jamais fait de radiographies? Jamais prescrit de corset? Mais il avait aussitôt changé de sujet, ou plutôt il l'avait laissé aborder le sujet.
Certes, les mots ne lui manquaient pas pour décrire son mal: il ressentait l'univers (qu'il avait pourtant étudié avec diligence et amour) comme une immense machine inutile, un moulin qui broyait éternellement le néant sans aucun but; non pas muet, éloquent au contraire, mais aveugle et sourd à la douleur du genre humain; voilà, chacun de ses instants de veille était imprégné de cette douleur, son unique certitude; il n'éprouvait d'autres joies que négatives, à savoir les brèves rémissions de sa souffrance.
[…]
Une question du médecin l'amena à admettre qu'il avait connu de temps à autre une trêve dans son angoisse: outre les moments de joie négative mentionnée plus tôt, il éprouvait un certain soulagement tard le soir, quand l'obscurité et le silence de la campagne lui permettaient de se consacrer à ses études, ou plutôt de s'y barricader comme dans une citadelle.
- Bien sûr; une citadelle chaude, douce et sombre, dit le médecin en hochant la tête avec sympathie.
Le poète ajouta qu'il avait eu récemment un moment de répit à l'occasion d'une promenade solitaire qui l'avait conduit sur une modeste hauteur. Au-delà de la barrière qui limitait l'horizon, il avait saisi un instant la présence solennelle et terrible d'un univers ouvert, indifférent sans être ennemi; rien qu'un instant, mais il avait été empli d'une inexplicable douceur, née de l'idée de se diluer et se fondre dans le sein transparent du néant. Illumination si intense et si neuve qu'il tentait en vain depuis plusieurs jours de l'exprimer en vers.
Le médecin écoutait, absorbé; puis, avec une délicatesse de professionnel, il lui demanda de lui parler de ses relations. Le poète se sentit rougir: c'était là un sujet qu'il n'aimait aborder avec personne, ses parents moins que quiconque, et pas même dans la solitude, sinon dans les termes sublimés qu'il préférait pour ses poèmes.
[…]
Le médecin n'insista pas. […] Il réfléchit une minute, puis il lui dit que c'était suffisant pour cette fois et que son cas ne lui paraissait pas grave: il était un hypersensible plutôt qu'un malade. Un traitement de soutien, répété à intervalles de quelques mois atténuerait sûrement sa souffrance. Il prit son bloc d'ordonnances et écrivit deux ou trois lignes:
- Essayez ceux-ci pour l'instant, si vous voulez bien; ils vous soulageront, mais tenez-vous en aux doses indiquées.

Le poète descendit l'escalier et se dirigea vers la pharmacie la plus proche. Tout en marchant, il glissa la main qui tenait l'ordonnance dans la poche de son pardessus, et il y retrouva des feuillets qu'il avait oubliés. Il y avait noté des idées qui lui étaient venues quelques jours plus tôt, et qu'il avait pensé mettre en vers. Comme animée d'une volonté propre, sa main roula l'ordonnance en boule et la jeta dans la rigole qui courait le long de la rue.
Primo Levi, Poeti
(traduit de l'italien par Fanchita Gonzalez Batlle)



L'infinito



Sempre caro mi fu quest'ermo colle

E questa siepe che da tanta parte 

Dell' ultimo orizzonte il guardo esclude. 

Ma sedendo e mirando interminati 

Spazi di là da quella, e sovrumani

Silenzi, e profondissima quiete, 

Io nel pensier mi fingo, ove per poco

Il cor non si spaura. E come il vento

Odo stormir tra queste piante, io quello

Infinito silenzio a questa voce

Vo comparando; e mi sovvien l'eterno, 

E le morte stagioni, e la presente

E viva, e il suon di lei. Così tra questa

Immensità s'annega il pensier mio: 

E il naufragar m'è dolce in questo mare.
Giacomo Leopardi: Canti

L'infini

Toujours me plut cette colline si seule et cette haie qui, par tant de longueurs, dérobe l'horizon. Mais quand je m'assieds pour la regarder, par ma pensée se créent au-delà d'elle d'interminables espaces, des silences surhumains, une paix très profonde; où peu s'en faut que mon cœur ne s'effraie. Et lorsque j'entends le vent bruire dans les plantes, je vais comparant l'infini de ce silence à cette voix, et me souviens de l'éternel, des saisons mortes, et de celle présente et vivante, et de son bruissement. Ainsi dans cette immensité s'anéantit ma pensée: et naufrager m'est doux dans cette mer.
Traduit par René Char


Transparente pour le lecteur italien, l'allusion faite par Levi, dans ces quelques extraits de la nouvelle Dialogue entre un poète et un médecin, au poème de Leopardi, l'Infinito, l'est peut-être moins pour le lecteur de langue française*; c'est pourquoi je n'ai pas cru mauvais de faire figurer dans ce billet l'original italien et sa traduction par René Char. Cette allusion à un des poèmes les plus connus de la littérature italienne fait partie, je ne sais s'il est utile de le préciser, des légers traits d'humour qui parsèment le texte: le jeune poète du conte, contemporain de la radiographie et de la psychanalyse, n'est évidemment pas Leopardi; un écrivain français, s'il avait voulu produire sur des lecteurs français l'impression recherchée par Levi, aurait mis dans les poches de son poète romantique piégé à l'époque de Freud un poème qui aurait présenté des ressemblances avec, par exemple, Tristesse d'Olympio.
La façon dont Primo Levi envisage le travail de l'écrivain, avec un infini respect mais sans idéalisation fantasmée, me touche particulièrement. Dans sa postface au recueil dont le Dialogue est extrait, Guido Bonino note: "Primo se permettait des remarques telles que 'Mais le fait est que je ne suis pas un écrivain...' Cette phrase aurait pu passer pour une formule purement mondaine, pour une véritable coquetterie. Mais Primo était la personne la plus étrangère à toute mondanité et à toute coquetterie. Cette phrase équivalait à peu près à dire: 'Je considère comme un vrai don du destin d'être devenu un écrivain'."
Si vous n'avez pas encore lu Poeti (et surtout si vous ne connaissez Levi que comme l'auteur de Si c'est un homme), lisez-le, c'est pas long, et ça vous donnera une meilleure idée de l'étendue du registre d'un écrivain dont la notoriété, paradoxalement, n'est peut-être pas étrangère au fait qu'il est toute une partie de son œuvre qu'on ne lit pas assez.


Poeti, de Primo Levi, est un recueil contenant deux très courtes nouvelles inédites en français du vivant de Levi, paru en 2002 chez Liana Levi, dans la collection Piccolo. ISBN 2-86746-294-0


*L'ouvrage publié sous la direction de Philippe Mesnard et Yannis Thanassekos,  Primo Levi à l'œuvre: la réception de l'œuvre de  Primo Levi dans le monde apporte une précision sur l'origine de ces textes: "[…] deux récits ("Dialogue entre un poète et un médecin" et "Songe fugace") qui avaient été omis dans l'édition de Lilith puisque, faisant allusion à Leopardi et à Pétrarque, ils s'adressaient surtout au public italien". Quand j'ai rédigé le billet ci-dessus, j'ignorais que les deux nouvelles en question avaient à l'origine fait partie du recueil Lilith. Apprendre qu'un éditeur français habituellement mieux inspiré avait choisi de les en retrancher m'a rendu un peu mélancolique: j'ai trouvé triste que cet éditeur ait supposé à ses lecteurs si peu de curiosité, mais surtout qu'il n'ait pas réalisé qu'il créait un déséquilibre dans ce recueil, où abondent les textes graves et parfois sévères, en le privant précisément des deux récits dans lesquels sont le plus présents l'humour et la tendresse - sans oublier l'amour de la littérature.

Les mots ne lui manquaient pas pour décrire son mal (Primo Levi: Poeti)



Le jeune poète hésita un bon moment avant de sonner. Cette visite était-elle bien indispensable? Lesquels avaient raison: ses amis de Milan et de Rome qui lui avaient vanté les dons quasi miraculeux du médecin? Ou au contraire son père et sa mère, qui avaient cherché à le retenir sans lui cacher leur mépris et leur honte, comme si un entretien avec un homme sage et expérimenté était une tache sur leur blason? Mais il souffrait trop depuis quelques années: il n'avait plus le courage de continuer ainsi.
Le médecin vint lui ouvrir lui- même: il était en pantoufles, décoiffé, enveloppé dans une vieille robe de chambre élimée. Il le fit asseoir devant son bureau; non, ce n'était pas nécessaire qu'il s'étende sur le divan; pas pour le moment.
Le médecin l'intimidait mais il lui fit d'emblée bonne impression; il ne prenait pas des airs importants, n'utilisait pas de mots compliqués, il avait du tact et de bonnes manières. Sans doute son apparence négligée était-elle délibérée, afin que les patients ne se sentent pas mal à l'aise. Le poète éprouva de l'embarras (mais le médecin semblait embarrassé lui aussi) lorsque l'autre l'interrogea prudemment sur son passé médical: jamais fait de radiographies? Jamais prescrit de corset? Mais il avait aussitôt changé de sujet, ou plutôt il l'avait laissé aborder le sujet.
Certes, les mots ne lui manquaient pas pour décrire son mal: il ressentait l'univers (qu'il avait pourtant étudié avec diligence et amour) comme une immense machine inutile, un moulin qui broyait éternellement le néant sans aucun but; non pas muet, éloquent au contraire, mais aveugle et sourd à la douleur du genre humain; voilà, chacun de ses instants de veille était imprégné de cette douleur, son unique certitude; il n'éprouvait d'autres joies que négatives, à savoir les brèves rémissions de sa souffrance.
[…]
Une question du médecin l'amena à admettre qu'il avait connu de temps à autre une trêve dans son angoisse: outre les moments de joie négative mentionnée plus tôt, il éprouvait un certain soulagement tard le soir, quand l'obscurité et le silence de la campagne lui permettaient de se consacrer à ses études, ou plutôt de s'y barricader comme dans une citadelle.
- Bien sûr; une citadelle chaude, douce et sombre, dit le médecin en hochant la tête avec sympathie.
Le poète ajouta qu'il avait eu récemment un moment de répit à l'occasion d'une promenade solitaire qui l'avait conduit sur une modeste hauteur. Au-delà de la barrière qui limitait l'horizon, il avait saisi un instant la présence solennelle et terrible d'un univers ouvert, indifférent sans être ennemi; rien qu'un instant, mais il avait été empli d'une inexplicable douceur, née de l'idée de se diluer et se fondre dans le sein transparent du néant. Illumination si intense et si neuve qu'il tentait en vain depuis plusieurs jours de l'exprimer en vers.
Le médecin écoutait, absorbé; puis, avec une délicatesse de professionnel, il lui demanda de lui parler de ses relations. Le poète se sentit rougir: c'était là un sujet qu'il n'aimait aborder avec personne, ses parents moins que quiconque, et pas même dans la solitude, sinon dans les termes sublimés qu'il préférait pour ses poèmes.
[…]
Le médecin n'insista pas. […] Il réfléchit une minute, puis il lui dit que c'était suffisant pour cette fois et que son cas ne lui paraissait pas grave: il était un hypersensible plutôt qu'un malade. Un traitement de soutien, répété à intervalles de quelques mois atténuerait sûrement sa souffrance. Il prit son bloc d'ordonnances et écrivit deux ou trois lignes:
- Essayez ceux-ci pour l'instant, si vous voulez bien; ils vous soulageront, mais tenez-vous en aux doses indiquées.

Le poète descendit l'escalier et se dirigea vers la pharmacie la plus proche. Tout en marchant, il glissa la main qui tenait l'ordonnance dans la poche de son pardessus, et il y retrouva des feuillets qu'il avait oubliés. Il y avait noté des idées qui lui étaient venues quelques jours plus tôt, et qu'il avait pensé mettre en vers. Comme animée d'une volonté propre, sa main roula l'ordonnance en boule et la jeta dans la rigole qui courait le long de la rue.
Primo Levi, Poeti
(traduit de l'italien par Fanchita Gonzalez Batlle)



L'infinito



Sempre caro mi fu quest'ermo colle

E questa siepe che da tanta parte 

Dell' ultimo orizzonte il guardo esclude. 

Ma sedendo e mirando interminati 

Spazi di là da quella, e sovrumani

Silenzi, e profondissima quiete, 

Io nel pensier mi fingo, ove per poco

Il cor non si spaura. E come il vento

Odo stormir tra queste piante, io quello

Infinito silenzio a questa voce

Vo comparando; e mi sovvien l'eterno, 

E le morte stagioni, e la presente

E viva, e il suon di lei. Così tra questa

Immensità s'annega il pensier mio: 

E il naufragar m'è dolce in questo mare.
Giacomo Leopardi: Canti

L'infini

Toujours me plut cette colline si seule et cette haie qui, par tant de longueurs, dérobe l'horizon. Mais quand je m'assieds pour la regarder, par ma pensée se créent au-delà d'elle d'interminables espaces, des silences surhumains, une paix très profonde; où peu s'en faut que mon cœur ne s'effraie. Et lorsque j'entends le vent bruire dans les plantes, je vais comparant l'infini de ce silence à cette voix, et me souviens de l'éternel, des saisons mortes, et de celle présente et vivante, et de son bruissement. Ainsi dans cette immensité s'anéantit ma pensée: et naufrager m'est doux dans cette mer.
Traduit par René Char


Transparente pour le lecteur italien, l'allusion faite par Levi, dans ces quelques extraits de la nouvelle Dialogue entre un poète et un médecin, au poème de Leopardi, l'Infinito, l'est peut-être moins pour le lecteur de langue française*; c'est pourquoi je n'ai pas cru mauvais de faire figurer dans ce billet l'original italien et sa traduction par René Char. Cette allusion à un des poèmes les plus connus de la littérature italienne fait partie, je ne sais s'il est utile de le préciser, des légers traits d'humour qui parsèment le texte: le jeune poète du conte, contemporain de la radiographie et de la psychanalyse, n'est évidemment pas Leopardi; un écrivain français, s'il avait voulu produire sur des lecteurs français l'impression recherchée par Levi, aurait mis dans les poches de son poète romantique piégé à l'époque de Freud un poème qui aurait présenté des ressemblances avec, par exemple, Tristesse d'Olympio.
La façon dont Primo Levi envisage le travail de l'écrivain, avec un infini respect mais sans idéalisation fantasmée, me touche particulièrement. Dans sa postface au recueil dont le Dialogue est extrait, Guido Bonino note: "Primo se permettait des remarques telles que 'Mais le fait est que je ne suis pas un écrivain...' Cette phrase aurait pu passer pour une formule purement mondaine, pour une véritable coquetterie. Mais Primo était la personne la plus étrangère à toute mondanité et à toute coquetterie. Cette phrase équivalait à peu près à dire: 'Je considère comme un vrai don du destin d'être devenu un écrivain'."
Si vous n'avez pas encore lu Poeti (et surtout si vous ne connaissez Levi que comme l'auteur de Si c'est un homme), lisez-le, c'est pas long, et ça vous donnera une meilleure idée de l'étendue du registre d'un écrivain dont la notoriété, paradoxalement, n'est peut-être pas étrangère au fait qu'il est toute une partie de son œuvre qu'on ne lit pas assez.


Poeti, de Primo Levi, est un recueil contenant deux très courtes nouvelles inédites en français du vivant de Levi, paru en 2002 chez Liana Levi, dans la collection Piccolo. ISBN 2-86746-294-0


*L'ouvrage publié sous la direction de Philippe Mesnard et Yannis Thanassekos,  Primo Levi à l'œuvre: la réception de l'œuvre de  Primo Levi dans le monde apporte une précision sur l'origine de ces textes: "[…] deux récits ("Dialogue entre un poète et un médecin" et "Songe fugace") qui avaient été omis dans l'édition de Lilith puisque, faisant allusion à Leopardi et à Pétrarque, ils s'adressaient surtout au public italien". Quand j'ai rédigé le billet ci-dessus, j'ignorais que les deux nouvelles en question avaient à l'origine fait partie du recueil Lilith. Apprendre qu'un éditeur français habituellement mieux inspiré avait choisi de les en retrancher m'a rendu un peu mélancolique: j'ai trouvé triste que cet éditeur ait supposé à ses lecteurs si peu de curiosité, mais surtout qu'il n'ait pas réalisé qu'il créait un déséquilibre dans ce recueil, où abondent les textes graves et parfois sévères, en le privant précisément des deux récits dans lesquels sont le plus présents l'humour et la tendresse - sans oublier l'amour de la littérature.