mercredi 11 octobre 2017

Sonnent les matines



Allons bon, j'avais perdu de vue un instant que dans ce rêve c'était la guerre, et que dans cette guerre j'avais à jouer un rôle bien précis: faire redémarrer ce fichu engin! Et (fichu rêve, dans lequel je me trouvais être le seul mécano du commando) mes quatre équipiers n'avaient rien trouvé de mieux, pour m'encourager, que de se mettre à chanter.
Adossés au mur en ruine, alignés et souriants comme pour une photo, ils répétaient:

FRÈRES JACQUES! FRÈRES JACQUES!
Doo-dee-doo… Doo-dee-doo…
Doone, done, deene…  Doone, done, deene…
Doo-dee-dong! Doo-dee-dong!

C'était, apparemment, ce qui, dans leur répertoire, approchait le plus d'une chanson en français.
Il faut le reconnaître, pour des Alliés, ils prononçaient ce qu'ils en avaient retenu, "frères Jacques"  (le reste, ils l'improvisaient) d'une façon assez  convaincante, malgré leurs accents aussi exotiques qu'indéfinissables. Étaient-ils néo-zélandais? écossais? australiens? gallois? cockneys? irlandais? un peu de tout cela? La couleur sable de leurs uniformes devait au moins autant à la poussière accumulée pendant des heures de route dans le désert qu'à aucun règlement militaire; quand je les observais du coin de l'œil, il me semblait bien que l'un d'eux portait un kilt - ou s'agissait-il de jodhpurs en tartan? - un autre, un couvre-chef bizarre… mais bon, c'était des alliés, c'est toujours ça.
Et ces couleurs… elles ressemblaient de plus en plus à celles d'une photo sépia. Fichu sable! Et fichue guerre. On nous avait expliqué que si cette guerre était nécessaire, c'était parce qu'elle devait être la dernière, plus jamais d'autre guerre après ça: cela voulait-il dire que c'était la première? La deuxième? La prochaine?
Et fichue mécanique aussi. 
Le rêve s'achevait, et je n'avais toujours pas fini de la réparer. 
Je n'entendais plus chanter FRÈRES JACQUES.  
Depuis combien de temps? 
En levant les yeux, devant le mur lézardé, je ne voyais plus personne.

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